L’histoire d’Acadie – un peu de notre histoire

Les origines de l’Acadie

Samuel de Champlain fonda Port-Royal en 1605; c’était la naissance de l’Acadie.

Mais l’histoire de l’Acadie, selon certains, remonte bien avant, en 1524, alors que le navigateur italien Giovanni Verrazano prit la tête d’une expédition de quatre navires, financée par le roi de France de l’époque, François Ier. Il longea le continent, de la Georgie jusqu’au Cap Breton. Arrivé au large des états actuels du Delaware, du Maryland et de la Virginie, il trouva la région si belle et les indigènes si accueillants qu’il donna à la péninsule qui l’émerveillait le nom « Arcadie », comme celui du pays idyllique de la Grèce ancienne.

Cette péninsule, aujourd’hui nommée « Delmarva » et séparée du continent par la baie de Cheasepeake, offrait une certaine similitude avec celle de la Nouvelle-Écosse, séparée elle aussi du continent par la « baie Française » (devenue Fundy). Le nom a alors été récupéré par les géographes qui ont ainsi désigné cette nouvelle possession française.

Par la suite, la lettre « r » s’est perdue dans le temps et le nom « Acadie » fut utilisé dès le début du XVIIe siècle. Contestée pendant une centaine d’années par la France et la Grande-Bretagne, cette possession passa toutefois définitivement sous contrôle britannique et fut renommée « Nouvelle Écosse » à la suite de la signature du traité d’Utrecht en 1713. Du coup, Port-Royal fut aussi rebaptisé Annapolis Royal.

 

 

 

Avant le traité d’Utrecht, la Nouvelle-France comptait cinq colonies en Amérique du Nord: le Canada (incluant les « Pays d’en haut » ou région des Grands Lacs), l’Acadie (aujourd’hui la Nouvelle-Écosse), la baie du Nord (aujourd’hui la baie d’Hudson), la Louisiane et Terre-Neuve dont la partie française était nommée Plaisance.

Le développement de l’Acadie

Le peuplement en Acadie s’est d’abord effectué sur les terres d’alluvions situées près de la mer, au fond de la baie Française. Plutôt que de défricher des terres hautes, les colons acadiens, venus surtout du Poitou, une région marécageuse de France, savaient comment construire de puissantes digues (les «aboiteaux») pour mettre rapidement en culture des sols d’une grande fertilité. L’amplitude des marées permettait en effet d’assécher des terres basses sans que l’eau salée ne puisse y pénétrer.

Une cinquantaine de familles ont constitué la principale souche du peuple acadien, car il ne viendra que peu d’autres Français pour contribuer au peuplement de la colonie acadienne, sauf un certain nombre de militaires démobilisés qui choisiront alors de rester en Acadie. Très indépendants de caractère, et habitués à décider de tout par eux-mêmes, les Acadiens formaient des communautés agricoles autosuffisantes, formées de petits producteurs indépendants. Seule une poignée de Français pratiquaient un commerce véritable. La plupart des Acadiens vivaient donc à l’écart de l’État, ne payaient pas d’impôts et se méfiaient des levées d’hommes qu’on enrôlait dans la milice pour participer à la défense du pays et aux efforts de guerre.

L’Acadie, du moins telle qu’elle existait en 1700, ne comprenait essentiellement que la Nouvelle-Écosse actuelle, sans l’île du Cap-Breton. L’Acadie continentale (le Nouveau-Brunswick), après 1713, ne comptait que de petits villages, surtout le long de la baie Française (baie de Fundy), sur les bords du fleuve Saint-Jean et à Beaubassin.

Les Français en Acadie, comme partout en Nouvelle-France (Canada, Louisbourg, région des Grands Lacs, Louisiane), furent par ailleurs plutôt « exceptionnels » quant à leur capacité à s’allier avec les peuplades indigènes, lesquelles devinrent rapidement de précieux alliés (Micmacs, Abénaquis et Malécites). Alors que les Britanniques, les Espagnols et les Portugais érigeaient leurs empires sur les conquêtes et la servitude, les Français comblèrent plutôt les autochtones de toutes sortes de « commodités » (outils, armes et munitions, aliments, vêtements, ustensiles de cuisine, animaux, etc.). Ils purent ainsi bénéficier de leur collaboration pour la traite des fourrures et obtenir aussi un précieux soutien militaire, disposant à l’occasion d’une puissance bien supérieure à celle de leurs seuls effectifs militaires.

La déportation des Acadiens

(1755 – 1762)

Attachés depuis longtemps à leur « neutralité » sur un territoire contesté qui changeait fréquemment de maîtres, les Acadiens devinrent officiellement sujets britanniques à compter de 1713.

Malgré bien des tentatives, les Anglais ne parvinrent toutefois jamais à briser la résistance passive des Acadiens à coopérer, ni leur détermination à demeurer neutres et à s’identifier à leur foi et à leur langue. Ces derniers refusèrent même, dès le début de l’occupation, de prêter sans réserve le serment d’allégeance à la Couronne britannique. Et ils n’en furent pas beaucoup inquiétés pendant quarante ans, d’autant plus qu’ils vivaient paisiblement à l’écart, surtout de pêche et d’agriculture, sans velléité particulière, et entretenaient de bons rapports commerciaux avec la colonie voisine (le Massachusetts). La population profita donc pleinement de cette période de paix, entre 1710 et 1750, et elle quadrupla en nombre pour atteindre les 8 000 habitants.

Pendant ce temps, toutefois, la France, qui possédait toujours l’île Royale (Cap-Breton), y avait grandement fortifié Louisbourg entre 1719 et 1743 et en avait fait une forteresse réputée imprenable. Celle-ci inquiétait les Anglais qui se mirent également à craindre que la population locale, qui refusait toujours l’allégeance, ne renie un jour sa neutralité et ne se soulève pour soutenir une éventuelle offensive française en Nouvelle-Écosse.

De fait, une nouvelle guerre éclata bientôt entre la France et l’Angleterre en 1744 et les Français ne tardèrent pas à s’en prendre à la péninsule. Mais privés du soutien des Acadiens qui restèrent sagement neutres, les tentatives françaises échouèrent et n’eurent pour autre effet que celui de convaincre les Anglais à devoir s’attaquer à Louisbourg. La forteresse fut effectivement attaquée et conquise peu après, en 1745.

Malgré cette capture, la colonie anglaise restait inquiète, notamment en raison des tentatives subséquentes des Français pour reprendre l’île Royale et l’Acadie. Ils le furent encore davantage toutefois quand Louisbourg fut restituée à la France en 1748, grâce au traité d’Aix-la-Chapelle. En réaction, les Anglais décidèrent donc de fonder Halifax en 1749, où ils érigèrent une forteresse à l’égale de Louisbourg. Ils adoptèrent également une nouvelle politique de colonisation, spécialement destinée à « britanniser » la péninsule et à « régler le problème acadien ».

On commença alors à envisager l’avenir de la colonie anglaise sans la présence des Acadiens. La reprise des hostilités en 1754 les poussa à l’action. La déportation commença le 4 septembre 1755 à Grand-Pré. Plus de 400 Acadiens, tous des hommes, furent rassemblés à l’église où on leur livra un discours inattendu :

« Vos terres et vos logements, votre bétail et votre cheptel de tout genre, sont confisqués par la Couronne avec tous vos autres effets, sauf votre argent et vos biens meubles, et vous-mêmes serez déportés hors de cette province ».

Dans la seule année 1755, la moitié des Acadiens avaient été déportés. Entre 1755 et 1762, des quelque 10 000 qui vivaient en Acadie, environ 7 000 furent déportés dans les colonies anglaises de la Nouvelle-Angleterre, alors que 3 000 autres ont pu fuir vers l’Île St-Jean  (île du Prince-Édouard), l’île Royale (du Cap-Breton), le Nouveau-Brunswick et le Québec. Avec la chute définitive de Louisbourg en 1758, quelque 4000 résidents et réfugiés de l’île Royale et de l’île St-Jean furent alors déportés en France.

Dès 1755, plus de 2000 Acadiens avaient réussi à fuir la chasse à l’homme et à se réfugier au Canada, encore une colonie française, notamment en Gaspésie, dans les villes de Québec et de Montréal, ainsi que dans les régions aujourd’hui appelées la Mauricie et la Montérégie. Bien qu’un grand nombre s’y soient réfugiés, aucun Acadien ne fut déporté au Canada, ni autorisé à émigrer dans cette région, qui deviendra officiellement un peu plus tard en 1763 la « province de Québec ».

Le retour des Acadiens (1764 – 1786)

Avec la fin de la guerre de Sept Ans et le traité de Paris de 1763, le Conseil privé de Londres émit une Proclamation royale qui autorisait les Acadiens de Nouvelle-Écosse à revenir au pays comme colons, au même titre que les autres sujets britanniques, à condition de prêter le serment d’allégeance à la Couronne britannique, sans réserve aucune, et de se disperser sur le territoire en petits groupes.

À partir de 1764, plusieurs revinrent donc d’Europe, de la Nouvelle-Angleterre et du Québec. Toutefois, plus de la moitié des Acadiens exilés décidèrent de demeurer là où ils s’étaient installés, surtout ceux qui s’étaient établis au Québec ou en France et ceux, assez nombreux, qui avaient entre-temps pu rejoindre la Louisiane.

Cependant, la plupart des rapatriés ne purent retourner sur leurs terres en Nouvelle-Écosse, car celles-ci avaient été confisquées et cédées aux colons anglais venus s’y établir en grand nombre. Ils durent donc trouver de nouveaux emplacements où construire leurs villages, notamment au Nouveau-Brunswick, ou accepter les propositions de l’administration coloniale britannique.

 

 

Des Acadiens à Yamachiche

Pendant ce temps, dans la province de Québec, le gouverneur britannique, James Murray, fut rapidement révolté devant la cupidité et les exactions des marchands anglais et américains qui accaparaient le contrôle de l’économie. Il se montra aussi plutôt ouvert et soucieux de soutenir les Canadiens dans la colonie qu’il dirigeait.

Il leva donc lui aussi en 1765 l’interdiction d’entrée au Canada qui touchait les Acadiens déportés et invita les seigneurs locaux à offrir des terres aux Acadiens qui seraient désireux de revenir des colonies britanniques pour s’établir en territoire plus hospitalier, de même langue et religion.

Répondant à cette requête, comme plusieurs autres seigneurs dans la province, Pierre Lesieur, seigneur de Yamachiche, offrit alors plusieurs de ses terres encore vierges dans sa seigneurie de Gros-Bois-Est. C’est ainsi que dix-neuf familles, embarquées sur une goélette, pénétrèrent en juillet 1767 dans la Grande Rivière Yamachiche où ils furent accueillis chaleureusement par la population locale. Ils s’établirent alors sur les concessions de la Grande-Acadie et de la Petite-Acadie. Au fil des ans, 42 familles acadiennes vinrent s’établir à Yamachiche, dont quelques-unes étaient arrivées dès 1760, après s’être enfuies dans les bois pour éviter la déportation.

Parmi ces Acadiens arrivés entre 1760 et 1767, on retrouvait notamment les familles Aucoin (1) Garceau (2), Landry (5), Thibodeau (3), Mélançon (4) et Leblanc (3).

En 1875, il y avait encore une Route de l’Acadie qu’on pouvait situer entre l’intersection du boulevard Duchesne (Rte 153) et du Chemin des Caron et l’intersection de la Route de Saint-Sévère et du Chemin des Acadiens.

De nos jours, le Chemin des Acadiens ne correspond pas intégralement au lieu où ils se sont établis, mais il témoigne plutôt de l’arrivée d’un bon nombre d’entre eux à Yamachiche.

Ascendance acadienne

Comme les rangs de la Petite et de la Grande Acadie étaient situés à mi-chemin entre la vieille paroisse de Yamachiche et la route Bournival plus au nord, il n’est pas étonnant de retrouver des parents d’ascendance acadienne dans la Famille. C’est le cas de notre ancêtre commun Jean-Baptiste (fils de Michel à François) qui a épousé en 1779 Charlotte Garceau, petite-fille d’un soldat français arrivé à Port-Royal en 1707. Deux des fils de Jean-Baptiste ont aussi trouvé leurs épouses dans une même autre famille acadienne arrivée de France vers 1672, la famille Aucoin. Il s’agit de Joseph en 1825 (Marie-Josephte) et de François en 1831 (Rosalie).

En comptant les unions subséquentes avec les descendants de ces familles acadiennes arrivées à Yamachiche entre 1760 et 1767, on peut dire de la grande famille Bournival qu’elle comporte une ascendance acadienne assez importante et que l’histoire des Acadiens est en conséquence aussi un peu la nôtre…

 

Pierre Bournival

mars 2018

Sources :

1) Les vieilles familles de Yamachiche, Tome 4, F.L. Desaulniers, 1908

1) Les bases de l’histoire de Yamachiche, Raphaël Bellemare, 1903

2) Publication sur l’histoire de Yamachiche, André Desaulniers, août 2010, http://yamachiche.ca/toponymie/histoire.html

3) Le Paysage de Grand-Pré inc., 2012

http://www.paysagedegrand-pre.ca/deacuteportation-et-nouvel-eacutetablissement-1755-agrave-1810.html

4) Petit manuel d’histoire d’Acadie, des débuts à 1670, fascicule I, Clarence J. d’Entremont, Université de Moncton, 1976

5) Petit manuel d’histoire d’Acadie, de 1670 à 1755, fascicule II, Jean Daigle, Université de Moncton, 1976

6) Petit manuel d’histoire d’Acadie, 1755 à 1867, fascicule III, Léon Thériault, Université de Moncton, 1976

7) Histoire des Acadiens, 2015, partie I – La colonie française de l’Acadie, 1604 – 1755, http://www.axl.cefan.ulaval.ca/francophonie/Nlle-France-Acadie.htm

8) Histoire des Acadiens, 2017, partie II – La nouvelle Acadie, De 1755 à aujourd’hui,  http://www.axl.cefan.ulaval.ca/francophonie/Nlle-France-Acadie2.htm