TRADITION ORALE par Gilbert bournival (Rosaire, Théodore, Hyacinthe) |
J’ai le privilège de posséder l’exemplaire unique d’un livre écrit et relié par Albertine,(Aurore 1884-1949 fille de Théodore à Hyacinthe) en religion chez les Soeurs du Précieux-Sang sous le nom de Soeur Marie de la Passion. Ce recueil contient des photos, des découpures de journaux et des narrations de la tradition orale. Certains faits rapportés se vérifient, d’autres sont questionnés, d’autres sont de simples interprétations. Je veux apporter ma contribution à ce legs familial.
Le nom de Bournival
Lors de ses voyages en Europe, l’oncle Thomas (de la ville) Bournival a visité toute la France, afin de retrouver quelques vestiges de nos ancètres. Dans aucun registre il n’est fait mention du nom de Bournival. Il constatait par contre que nous descendions des Bour de la Picardie….En arrivant au Canada, François aurait ajouté à son nom de Bour, deux syllabes douces, harmonieuses et significatives : “ni val ” marquant ainsi qu’il voulait vivre sur les sommets, les sommets du devoir intégral sans doute. (extrait de Albertine). Cette interprétation continue d’avoir cours dans la famille. Camille ( de la lignée de Euchariste ) l’a servie à un journaliste en 1999.
Suzanne ( 1935 , de la descendance de Théodore à Hyacinthe) a découvert au nord de la Picardie, un village nommé Bornival, le Seigneur François de Bourgnival y avait fait construire une église en 1603 dans l’enceinte du château construit vers 1373 . La graphie ancienne variait beaucoup : Borgevael, Borgneval, Borgnival, Bournival, Bourgneval, Bourgeval, Bourgnival, Bourgival etc. Sur les murs de l’église St-François, on retrouve les gravures des pierres tombales : “François Darlin Seigneur de Bourgnival “, “Simon Paul Darlin Baron de Bourgnival et Seigneur de Granbais en son temps colonel pour le service d e sa majesté Impériale “, “Dame de Bornivalle”. La famille Bornival existe depuis 1300 à Louvain puis à Bornival près de Nivelles, dans la province du Brabant Wallon en Belgique francophone.
Cette portion de territoire fut annexée à la France, à l’Autriche, à l’Espagne, aux Pays Bas alternativement et rapidement dans de courtes périodes, lors des guerres aux seizième , dix septième et dix huitième siècles. (La plaine de Waterloo, lieu de la défaite de Napoléon se trouve juste au Nord de Bornival.) Pas surprenant que ceux qui faisaient des recherches en France aient de la difficulté à trouver. Par contre certains rapportent qu’il y a beaucoup de Bornival en Hollande (Pays Bas). En réalité les seigneurs Bornival résidaient à Louvain, Belgique, appelé aussi Pays-Bas, conseillers dévoués des Ducs de Brabant. La pierre tombale de Bernard en 1376 est écrite en flamand : ” Heer Bernart Van Bourgneval”. Il existe aussi à Bruxelles, une rue portant le nom Bornival et un château ayant appartenu à la famille Bornival. Le nom existait bel et bien en ce coin de pays, pas besoin de l’inventer. L’étymologie du nom pourrait signifier : borgne val, à savoir la vallée sans vue, vallée encaissée. Sur l’acte notarié du mariage de François notre ancêtre, en 1751, il se nomme Bornival ou Bounival, . La transcription de certains registres stipule Bornival. Ça questionne sérieusement la tradition de l’ajout de nival au nom de Bourg.
Le mariage de François en 1751
Des lois gouvernementales obligeaient les célibataires à fonder des foyers où à s’enrôler dans le service militaire. Ces deux carrières ne lui plaisaient guère. Au mariage il n’avait jamais songé et ses 53 ans l’en éloignaient à jamais pensait-il. D’autre part, l a vie des casernes répugnait à cette âme d’honnête laboureur, roi du sol, son bonheur, son héritage, son avenir. Il choisit donc l’exil éternel au Canada. …
En 1751, par un beau matin de printemps il part…des larmes plein ses yeux…la traversée s’effectuait heureuse et belle, quand une affreuse tempête se déchaîne soudain menaçant de tout engloutir : bâtiment et passagers. “quelqu’un de nous attire les malédictions divines sur l’équipage, s’écrie le Capitaine, que chacun sonde les replis de son coeur et fasse à Dieu quelque promesse. Dans une heure, s’il n’y a pas de changement nous tirerons au sort pour connaître le coupable et le jeter à l’eau”. Tous se jettent à genoux, matelots et passagers; tous se recueillent et prient. François se recueille aussi et fait au ciel le voeu de demander en mariage la première fille qu’il rencontrerait, en arrivant dans la colonie. O merveille! à l’instant même la tempête s’apaisait sans bruit ni fracas..peu de jour après François…arrivait à Trois-Rivières le 10 mai…
Ayant séjourné dans un hôtel aux environs des Trois-Rivières, il demande en mariage Mademoiselle Angélique, fille de ses hôtes : François de Nevers Boisverd et de Madeleine Pichet. De part et d’autre la demande fut agréée. Monsieur l’abbé F. Hyacinthe amiot, de l’évêché bénissait leur alliance, le 21 juin de cette même année 1751″. Nous savons aujourd’hui que les “environs des Trois-Rivières” dont il s’agit, c’est les Forges du St-Maurice et nous avons une monographie de François de Nevers dit Boisvert qui comprend une description de ” l’hôtel ” en question suite aux fouilles effectuées sur le site des vieilles Forges et les recherches notariales.
En 1739, la famille De Nevers se trouve aux forges où le père François travaille comme journalier. À ses côtés , on rencontre plusieurs parents travaillant à la coupe du bois pour la fabrication du charbon , des Boisvert, des Denevers et des DeNevers dit Boisvert et des Boisvert dit De Nevers. Au mariage de Marie Angélique De Nevers avec François Bounival accompagné de Pierre Alarie son ami, étaient présents François DeNevers son père, Magdeleine Pichet sa mère, originaire de Pointe-aux trembles près de Québec, Joseph son frère, Pierre Labonne marié à sa soeur Madeleine, François Lemer marié à sa soeur Marie Joseph, tous ouvriers aux Forges . En 1756, François De Nevers meurt laissant ses biens en héritage à Madeleine Piché qui fait dresser l’inventaire de leur communauté. Au moins trois enfants habitent à la maison avec leurs parents: Pierre âgé de 17 ans, Louis âgé de 14 ans, Marie âgée de 11 ans. Voici le genre d’habitation de l’ouvrier en ce temps :
- Mobilier ; un lit laissé à la veuve selon un clause de son contrat de mariage, un lit composé d’une couchette , de deux paillasses, d’un lit de plume couvert en toile du pays, de deux draps et d’une mauvaise couverture, une mauvaise table pliante, trois coffres, un miroir, une huche à pain, un rouet à filer.
- Ustensiles pour la cuisson des aliments : quatre marmites, un vieil gril, une vieille poêle à frire, deux vieilles cuillères à pot, une grande fourchette;
- Ustensiles pour la préparation, la consommation et la conservation des aliments: deux terrines et un plat, 22 livres et 1/4 de vaisselle d’étain, cinq fourchettes en acier, des ustensiles en fer-blanc, une gratte et un tamis, un pot de Bordeaux;
- Luminaires: deux chandeliers, un porte -mouchettes, cinq livres de chandelles;
- Outils : une chaîne de charrue, de carriole et autres ferrements, deux mauvaises faulx garnies;
- Instruments : un rouet à filer, deux fusils;
- Aliments: quarante livres de lard, quatre livres de beurre, neuf minots de farine, cinquante bottes de gros foin pour les animaux et vingt-six livres de tabac;
- Linge de lit et de table : une vieille couverture et deux vieilles poches, une autre vieille couverture, un drap et trois nappes, une vieille paillasse;
- Divers : une peau de vache verte, du savon du pays, fil, filasse, coton;
- Animaux : trois vaches et une génisse,une truie, sept petits cochons et un cochon de l’année, dix-neuf volailles ” (Les vieilles forges du St Maurice , référence plus complète à fournir).
La sauvagesse
Soeur Marie de la Passion ne l’a pas écrit, il est pourtant question dans la tradition orale, du mariage de François avec une sauvagesse. Est-ce seulement une explication du teint basané de plusieurs descendants? Les cheveux roux signalent une branche de Nordique : Irlandais, Écossais, Northmen. Les blonds marquent une ascendance Allemande, Polonaise. Etait-ce la mère de Angélique, Madeleine Piché dit Dupré, qui avait du sang indien ? Y a-t-il dans l’ascendance une ” rapportée ” à la peu rouge ? La recherche reste à faire.
Première habitation de François
Les trois premiers enfants de François et Angélique sont nés aux Forges du St-Maurice et un de leurs enfants a été inhumé à la Pointe-du-Lac. Nous ne savons pas exactement quand mais ce qui est certain, c’est que François a remonté le chemin de la Grande Rivière, appelée aussi rivière aux Glaises jusqu’à l’embranchement avec la petite rivière et de là vers l’ouest jusqu’à l’endroit située aujourd’hui au haut de la côte à Bournival. Il s’y est construit une maison faite d’arbres équarries à la hache sans doute comme son beau -père et comme le faisaient les colons défricheurs dans le temps, dans notre coin de pays. Ailleurs, sur les terrains de pierrailles, les colons construisaient leurs maisons avec les roches dont ils débarassaient le terrain pour cultiver. Ces maisons se sont conservées. Pierres et mortier résistent à l’usure du temps. À Yamachiche, fonds de la mer de Champlain, on trouve de la glaise , de la terre noire et on construit avec le bois dont on débarasse la terre pour cultiver. Sa maison ne devait pas être plus riche ni mieux équipée que celle de son beau -père François DeNevers. Le bois non protégé a fini par pourrir.
En 1877, Théodore établit à St-Étienne par son père Hyacinthe, habite une maison faite de pièces de bois équarries à la hache, empilées les une sur les autres, pièces sur pièces. Les joints bouchés à l’étoupe ou à la poche de jute. L’année de son mariage, endossée par son beau-père, il emprunte 200$ de la municipalité pour rendre sa maison plus confortable: crépi à l’intérieur, lattes à l’extérieur. Cette maison bien lambrissée existe toujours , elle est habitée par Roger à Origène à Théodore.
Les anciennes maisons ont cette structure, y compris la mienne à St-Étienne. Le recouvrement en bardeaux, en lattes, en briques ou en pierres protègent les anciennes structures. Celles qui ne furent pas recouvertes se sont détériorées et on les a démolies. Il en fut probablement ainsi pour celle de François et celles de son fils Michel et de son petit-fils Jean-Baptiste. La maison d’Hyacinthe et la beurrerie d’Onésime dans le deuxième rang de St-Barnabé ont subi ce même sort.
Un coin de terre pour les légumes; le foin et les grains pour les animaux : cheval, vaches, cochons, poules. Un bon fusil pour la chasse: perdrix, lièvre, castor, chevreuil, orignal. Un bon cours d’eau pour la pêche. Le colon a ce qu’il lui faut pour vivre. Quand il a bonne santé, bonne femme, un surplus de récolte, de cueillette ou de naissance d’animaux, il peut faire du troc ou aller vendre au village ou en ville. Ça se faisait encore régulièrement chez les cultivateurs dans les années 1940-50.
La terre de François à Yamachiche est passé à St-Barnabé en 1832 avec la formation de la paroisse et la construction de la chapelle près de l’endroit de l’église actuelle de St-Barnabé. Ses fils s’établirent près de lui, en haut de la côte à Bournival. En 1857, par contrat devant le notaire L.Boucher ( No.1,226 ) Rosalie Lessard veuve de Jean-Baptiste Bournival vend cette terre à Joseph Bellemare. En 1862, Jean Baptiste Bournival fils , résidant à Sherbrooke passe “un bail à ferme” avec Théodore Gélinas pour sa terre située au nord de celle vendue à Joseph Bellemare. Cette terre selon le contrat est bornée d’un côté par la terre à Augustin Bournival. Le chemin Bournival qui existe encore aujourd’hui est un chemin de traverse entre le rang de la Grande rivière Nord et le bas St-Joseph. Ce chemin porte le nom de la terre sur laquelle il passait.
Les autres descendants: Hyacinthe, Onésime, Édouard, Joseph sont allés coloniser le deuxième rang de St-Barnabé. Ils y ont développé un village portant leur nom.